La première Lettre
« La Lettre » est arrivée le 28 Mars dans la vie virtuelle du personnage Zoé Bergeret.
En réalité, je l’ai écrite, jour après jour, du 29 Mars au 15 Avril.
Prétextant la calligraphie catastrophique—dans le cas contraire, j’aurais pu « scanner » l’original--, et la nécessité de déchiffrer et transcrire, j’ai pu, en respectant un minimum de vraisemblance, prendre le temps d’improviser au fil de la plume—si je puis me permettre l’utilisation de cette formule doublement anachronique—une histoire plutôt abracadabrante où, me relisant peu et m’interdisant les corrections, j’ai dû jongler pour tenter de justifier les invraisemblances les plus criantes, ce qui, dans la plupart des cas a généré de nouvelles incohérences qui m’ont rapidement amené à mettre en doute les facultés intellectuelles de la vieille dame ; procédé commode et peu élégant, j’en conviens.
À cette construction de la vie de tante Jeanne, j’ai pris un plaisir immense.
J’étais, pour un temps, le feuilletoniste du XIXème siècle.
Mon rêve !
J’en ai oublié ce que Zoé avait écrit à la réception de la lettre : je trouve «l’objet le plus étonnant, le plus inattendu, le plus incongru, le plus anachronique, une lettre, une véritable lettre, une lettre manuscrite de deux pages pleines »,, ces deux pages manuscrites qui sont devenues quatre pages dactylographiées, ce qui est impossible pour si fines que soient les « pattes de mouche » de tante Jeanne.
« Passons ! », me suis-je dit, »qui le remarquera ? »
Et j’ai alors terminé abruptement la première lettre de tante Jeanne, laissant Zoé à ses interrogations.